C’ est un langage de l’origine.
Il se constitue, se malaxe pièce à pièce,
mot à mot, jusqu’à l’édification d’une langue propre,
fidèlement déployée en rapport au désir.
Le langage de l’art est messager de celui que nous sommes.
Son terrain est archaïque, à la croisée des chemins.
Chaque « signe- image « témoigne
de la manière par laquelle nous appréhendons le monde
et comment se joue en notre être
les conflits immémoriaux,
autour desquels se noue la condition humaine.
L’art est un langage qui dit par où ça passe,
qui donne à voir comment ça traverse,
et en quoi c’est retenu, ça bloque,
ça butte sur des résidus lisibles,
jusqu’à la trouvaille de nouveaux passages
qui permettent de circuler.
L’artiste est auteur- acteur de ses démantèlements
et de sa propre restauration donnée à voir.
Si ça crée, si ça produit,
c’est grâce au soulèvement d’une confrontation en actes
entre des dualités paradoxales mises en présence,
entre vie et mort,
entre exaltation et désespoir,
entre découvertes et recouvrements,
entre désirs et nécessités....
L’artiste fait acte de défier ses retranchements.
Il déclare la guerre à ses résistances.
Il s’arme contre toute inhibition.
Il défait l’organisation de tous ses fonctionnements,
pour rebâtir,
en l’élargissant perpétuellement,
la place d’accueil à ce qui advient.
Il joue à renaître sans cesse de ses cendres.
Il risque l’extrême équilibre
de sa souplesse intellectuelle et psychique,
grâce à la force aveugle car inconséquente
de son imaginaire,
à cause d’un déterminisme autoritaire
qui le précède et décide de chaque instant.
Ceci est le processus sain, car constructeur,
de l’activité créatrice, voire subliminale
qui consiste à se risquer dans son champ de parole,
en vue d’y faire croître sa propre langue.
Catherine Cisinski