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jeudi, avril 04, 2013

Mes dernières toiles ( huiles, format 1,1m X 1,3m )











Ma peinture : pourquoi, comment ?


Oui, souvent on me demande tout autant

pourquoi toutes ces couleurs vives,
et comment je fais pour sourire tout le temps.
En réalité, l'explication est simple.
Voilà : je n'ai pas grandi.

Je sais. J'aurais dû. 

Mais c'est comme ça.

Donc, ami qui t'interroge,
il faut reprendre tout depuis le début.

Est-ce que tu peux te souvenir comment c'était dans ta tête, quand tu étais petit ?
Ce devait être comme pour tous ces enfants avec qui je m'entends parfaitement,
vu qu'en leur présence, j'ai automatiquement leur âge, puisqu'il est inclus dans le mien.

Tu te souviens, cette sensibilité face à la justesse, à l'équité par exemple ?
Tu te souviens comme enfant, on ne supporte pas la parole fluctuante d'un adulte,
qui reporte sans cesse une promesse par exemple, ou bien qui juge à tort et à travers ?
Tu te souviens combien alors on est sensible à ce qui éclaire, ce qui explique
comment et pourquoi une chose est là, sous telle forme ?
"Et pourquoi ? Et pourquoi ?" demande incessamment l'enfant ?

Et d'ailleurs tu dois forcément te souvenir combien l'enfant sait spontanément ouvrir le champ du rêve
et tendre l'oreille à ce qui est "pour de faux" mais qui est si beau à croire.

Car l'enfant, fait très bien la part des choses entre fiction et réalité,
contrairement à ce que racontent les adultes confus.
Il a horreur qu'on le trompe,
qu'on lui raconte des histoires,
quand il ressent bel et bien un trouble face à ce qui advient en réalité.

Tu te souviens de ce sens aiguë de la frontière entre réel et imaginaire qui ouvre
toutes les aires de jeux possibles ?
"Ici on ferait mine de ... et tu dirais ou ferais cela..."

Et bien tu vois, cette rigueur enfantine, c'est plus fort que moi, je l'ai gardée intacte.
Je n'ai pas grandi, te dis-je.

Cela veut dire quoi ?
1/ D'une part, le plus sympa :
cela veut dire qu'il existe un espace ouvert au tout permis,
à savoir le champ ludique, rien qu'avec des règles inventées et tout et tout,
où tout est possible.
_ La création fait partie de ce lieu.
_ Comme aimer pour moi est créatif, aimer se joue aussi à cet endroit.
_ Vivre, idem.
( D'ailleurs, au plus loin de ma mémoire, je sais que j'ai posé : vivre= aimer= créer.)
"L'imaginaire, c'est sur ma toile" comme j'ai dit à mon banquier,
continuant par "et tant que mon compte est une réalité arithmétique,
je ne veux pas de carte bancaire" ... par exemple.
2/ D'autre part ce goût du jeu bien localisé,
implique la considération du réel bien en place pour de vrai,
l'exigence d'une vigilance à être présent, lucide, conscient le plus possible,
sans se raconter d'histoires là où les histoires leurrent, troublent la perception,
et donc la clarté de notre pensée dont nous avons besoin, en tant qu'outil précieux,
même pour jouer justement.

Fait sens ainsi le fait de ne pas aimer l'ivresse, la drogue et tous les "plaisirs artificiels"
qui me privent du plaisir réellement conscient de jouer quand je décide de jouer.

Tu te souviens combien c'est grave de jouer lorsqu'on est enfant ?
Je veux dire, tu te souviens comme on pointe du doigt "le traître" qui n'a pas respecté les règles ?
Car le jeu,ce n'est pas n'importe quoi : c'est sérieux !

Parce qu' à cette condition uniquement,
on peut partir absolument, dans des délires sans mesure.

L'enfant le sait.
Et bien, moi aussi !

Je n'ai jamais su oublier l'exigence nécessaire et suffisante du respect de la règle dans l'énoncé,
surtout si on l'a soi-même inventée.
C'est cela fonder sa parole dans une annonce.

Sans doute est-ce la raison pour laquelle j'adore le système de penser mathématique.
Il y a les mots déposés par avance, et rien que ceux-la font lois.
On n'a ensuite pas le droit de se disperser vers ce qui n'a pas été inscrit en amont dans l' annonce.
Il faut faire avec ce qui est donné et rien qu'avec cela, trouver une issue.

J'adore cette clarté posée strictement. C'est un défi idyllique !
C'est comme un jeu d'enfant qui consiste à marcher sur la margelle au-dessus du vide... et sans tomber !
... mais "c'est pour de faux le risque", puisqu'on sait que c'est nous qui avons inventé la situation donnée.
Et ça, faut jamais oublier qu'on a soi-même poser le problème.
Toute problématique n'existe que par notre acte de l'avoir créée.

La philo, prolonge ce bonheur qui consiste alors à saisir un mot devenant concept,
pour l'étirer, le modeler, le broyer jusqu'à obtenir la lie de son jus signifiant.

Quant à la psychanalyse,
vu que ça met en exergue tous nos contresens et donc notre puissance imaginative
pour passer à côté de problèmes réels, le phénomène est inversé chronologiquement.
Du coup, en considérant un tel processus et en se donnant le temps, il devient
très curieux de révéler et dénouer nos inventions
jusqu'à la clarté retrouvée d'une direction indiquée.
C'est la trouvaille du sens.
A la longue, c'est aussi un jeu d'enfant.

Le champ de l'art est par définition, un jeu de construction,
l'espace d'agencements articulés pour faire sens d'une histoire crédible, vraisemblable.
Cela fait sens au pied de la lettre purement.
Comme l'enfant, je sais que sérieusement, la vérité s'anime là, dans ce qui est semblable au vrai.
On ne fait donc pas n'importe quoi pour tenter de l'atteindre.
On joue franc jeu en amont, avec les éléments qu'on dépose liés par la règle du jeu indiqué.
... en l'occurrence pour ce qui est de l'art, nommée "une consigne".

Tu vois, grosso modo, même si sans aucun doute, ce schéma est plutôt réducteur,
on va dire que je me suis construite ainsi, en rapport au jeu dans toute chose.
Et plus j'augmente en âge, plus je suis démunie de savoirs stupides,
et plus, conséquemment, je libère ce qui reste : le rire.
Y'a plus que ça à faire...

Mais pour ça, faut pas se perdre de vue.
Faut pas se raconter des histoires.

C'est sous cet angle que j'aborde quiconque,
et quoi que ce soit de la vie
dans un laisser - venir vers nulle part d'abord,
en amitié avec le monde.

C. Cisinski

Repasseuses ( bis) d'après Degas


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